Regroupement pour un Développement Durable à Sutton (RDDS) - 11 septembre 2018
« Il s’agit d’une grande victoire citoyenne, d’une victoire de l’exercice des droits démocratiques entre les dates d’élection et d’une victoire pour le développement durable et la protection de l’environnement ». Tel est le principal commentaire du porte-parole du Regroupement pour un Développement Durable à Sutton (RDDS), Robert Benoît.
- Accueille l’appel du groupe de citoyens et infirme le jugement de première instance
- Déclare que les règlements de zonage (254) et de lotissement (256) contestés sont des règlements de remplacement
- Déclare que le processus d’adoption de ces règlements contrevient à l’article 110.10.1 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU)
- Déclare que les procédures entourant l’adoption de ces règlements sont nulles, irrégulières et invalides
- Casse et annule les règlements de zonage (254) et de lotissement (256) ainsi que tous les règlements subsidiaires adoptés par l’administration Dandenault
- Accorde les frais de justice aux appelants en première et deuxième instances.
Trois ans et demi plus tard, on revient donc à la case départ, soit aux règlements de zonage (115-2) et de lotissement (116-1) initiaux, ce qui signifie entre autres que l’intégralité des zones de Protection d’Altitude Moyenne (PAM : entre 350 et 550 mètres) est préservée. En effet, trois zones PAM avaient été éliminées et une autre fortement amputée, ce qui représentait 800 hectares ou 25 % d’un territoire sensible à fortes pentes dont le niveau de protection avait été réduit dans le but de faciliter et stimuler la construction résidentielle.
Le jugement mentionne que « Le juge commet une erreur en retenant que les règlements RZ 254 et RL 256 ne constituent pas des « règlements de remplacement » au sens de la LAU, alors que les faits qu’il constate auraient dû le conduire à la conclusion contraire. » (paragraphe 30) La Cour cite notamment les témoignages du maire Louis Dandenault et de l’urbaniste Réal Girard reconnaissant qu’il s’agissait de règlements complets.
De plus, selon la Cour, « Sutton ne pouvait remplacer ses règlements, sous peine de nullité, qu’au moment de la révision quinquennale de son plan d’urbanisme. Les remplacements ayant été effectués à un autre moment, les règlements RZ 254 et RZ 256 sont frappés de nullité » (paragraphe 56). « Sutton a procédé à des remplacements interdits par l’article 110.10.1 de la LAU » (paragraphe 64).
La Cour reconnaît, tout comme le juge Tôth d’ailleurs, que l’effort des citoyens pour participer au processus était rien de moins que « titanesque » : « La complexité du processus choisi par Sutton rendait manifestement illusoire l’exercice des droits démocratiques de ses citoyens, notamment des appelants » (paragraphe 82). « Puisque les changements apportés par Sutton pouvaient engendrer plusieurs milliers de référendums sectoriels, la tâche était évidemment titanesque. Cela dit, un tel état de fait ne saurait justifier que Sutton soit dispensée du respect de la loi ni servir d’excuse légitime aux manquements constatés d’autant plus que Sutton est seule responsable de la situation créée » (paragraphe 79). « Dans de telles circonstances, comment accepter les conclusions du juge voulant qu’il n’y ait pas eu de préjudice et que le but poursuivi ait été atteint? » (paragraphe 84). De plus, la Cour adhère aux propos des appelants : « Qu’une mobilisation citoyenne aussi organisée que celle à laquelle ont participé les appelants n’ait mené qu’à ce petit nombre de scrutins référendaires démontre au contraire que la complexité du processus rendait invraisemblable une réelle participation démocratique, portant ainsi préjudice tant à leurs droits reconnus par la LAU qu’à ceux protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise » (paragraphe 86).
La Cour conclut que « À la suite de l’élection d’un nouveau maire en 2013, Sutton a voulu apporter de nombreux changements à ses règlements de zonage et de lotissement dans le but de « faciliter et stimuler la construction résidentielle ». Si la question d’opportunité de cette décision relève exclusivement de Sutton, non des tribunaux, sa mise en œuvre demeure toutefois régie par la loi : Sutton ne pouvait se soustraire aux contraintes et obligations énoncées à la LAU, notamment aux articles 110.10.1, 125, 126 et 127, ni au contrôle judiciaire du respect de celles-ci » (paragraphe 90) et « Sutton n’a pas respecté ces contraintes et elle ne s’est pas déchargée de ces obligations» (paragraphe 91).
Pour le porte-parole du RDDS, cette décision de la Cour d’appel lance un message clair aux municipalités du Québec. Rappelons que l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération des municipalités du Québec (FQM) avaient appuyé financièrement la Ville de Sutton dans cette contestation judiciaire. Mais cette décision devrait aussi favoriser la mobilisation citoyenne sur les questions de l’aménagement du territoire puisqu’elle confirme le rôle crucial des tribunaux comme contrepoids efficace à l’observation nonchalante des lois.